Tout début février 2024, je profite d'une météo idéale pour faire un week-end à Bouyrols, dans le Tarn, avec la moto. De bon matin, le froid pique un peu et la brume est envahissante.


Mais après... Quel régal! Ces balades circulent en terre occitane entre vallées et montagnes, entre combes et puechs, en somme!
Itinéraire Suivi: 


Janvier se termine, février démarre tout juste, lorsque je pars en week-end. C'est le tracé de couleur rouge sur la carte des itinéraires. Un brouillard, plus ou moins épais, m'accompagne tout du long. 
 
Le lendemain après-midi, je décide de rouler trois heures afin de m'oxygéner. Rapidement, je trace un parcours sur le GPS. Il me conduira jusqu'à Ambialet. J'ai envie de voir ce que donne la rive droite du Tarn avec la D70, cette route sinueuse qui épouse les méandres de la rivière et la presqu'île d'Ambialet dans cette période hivernale. C'est le tracé de couleur verte sur la carte des itinéraires
 
Le soleil est donc déjà bien haut lorsque j’enfourche ma moto. L’air, encore frais chatouille mon visage, et l’excitation de rouler me pousse en avant. Mon itinéraire est simple : rejoindre la route qui longe la rive droite du Tarn jusqu’à Ambialet, en passant par Saint-Juéry et les diverses départementales qui y mènent.

Puis c'est Ambialet, cette presqu’île enserrée par un méandre du Tarn. Je passe la rivière et monte directement au prieuré bénédictin Notre-Dame-de-l'Oder par l'unique route disponible.

Le Prieuré Bénédictin Notre-Dame-de-l'Oder

Le prieuré, perché sur son arête schisteuse, domine le paysage. Il émerge tel un gardien silencieux au-dessus de la rivière et des environs. Ses pierres de schiste, patinées par les âges, racontent une histoire millénaire, tissée entre ciel et rivière.  Dans ce lieu où le temps se dérobe, la chapelle romane se dresse avec une sobriété majestueuse. Ses murs, taillés dans la pierre, portent les cicatrices du passé. Des ouvertures en forme de meurtrières laissent filtrer la lumière, comme des secrets murmurés à travers les siècles. Le porche, soutenu par de modestes colonnes au charme roman, invite les visiteurs à franchir le seuil du mystère. Le temps semble comme suspendu. 

L’histoire du prieuré est tissée de fils d’or et de drames. Au XIe siècle, les vicomtes d’Albi érigèrent un monastère sur cette crête rocheuse, confiant son destin aux bénédictins de l’abbaye Saint-Victor de Marseille. L’église paroissiale d’Ambialet, voisine du prieuré, partagea ce destin sacré. Les siècles s’écoulèrent, ponctués de conflits et de bouleversements. La croisade des Albigeois laissa son empreinte, tandis que le monastère perdait peu à peu de son éclat. Sous la domination du chapitre de Montpellier, il survécut aux guerres de religion, ses murs portent, toutefois, les stigmates du temps. 

J'avance vers le belvédère, lorsque quelque chose me retient. Oui, quelque chose se passe. Que puis-je en dire ? C'est subtil, diffus, léger, comme ? Comme quoi ? Comme le souffle des arbres...

L'auder côté pile en descendant et côté face en remontant

J'avise un bel arbre sur ma gauche en descendant. Il est âgé le bougre! Un panneau situé à ses côtés m'apprend qui il est.  Le prieuré porte le nom de Notre-Dame-de-l'Oder. Cela résonne comme une légende. Selon le récit ancestral, un chevalier revenu des terres saintes planta un arbousier près du lieu sacré. Cet arbre, baptisé l'auder, devint le gardien invisible du prieuré, veillant sur les âmes et les secrets. Cet arbre me murmure à l'oreille et me transmet toute sa sagesse. Curieuse impression solennelle ma foi!  

J'avance toujours vers le belvédère en songeant que cette bâtisse, restaurée par les franciscains, se dresse toujours fière et solennelle. Que sa chapelle, épurée et intemporelle, me rappelle que le passé murmure aussi à travers les pierres et que les arbres portent en eux le souffle des siècles. Puis je contemple le fleuve en contrebas. L’eau scintille, miroir des âmes qui ont traversé ces lieux depuis des siècles. 

 
L’isthme d’Ambialet, classé depuis 1948, est un miracle géologique, une invitation à la méditation. Je retourne à la moto, et descends vers le barrage. 
 
A chaque fois que je suis passé ici, j'ai eu envie de rouler à moto sur ce barrage. En saison c'est interdit. Là, tout de suite, je m'aperçois qu'il n'y a aucune barrière et aucun panneau autre que celui annonçant que la route est inondable... Je m'arrête devant l'arche d'entrée. Je vérifie qu'il n'y a aucun piéton et je me lance...

Forcément , je m'arrête au milieu. Je jette un œil à gauche, mais c'est à droite que l'impression et le ressenti sont les plus forts. 
 
L'eau du Tarn glisse dans les turbines, sans doute sous les roues et la route. L'eau tombe au-dessus de moi, sans me toucher. Je sens juste les embruns sur mon visage. Je sens aussi la force de la rivière, cette force de l'eau que rien ne peut retenir, quand elle se déchaine. Le souffle est puissant. Le bruit ?  Effrayant.


Le retour à Bouyrols est tout aussi envoûtant. Alban, Paulin, Saint-Jean-de-Jeannes, Montredon-Labessonié : ces noms résonnent comme des poèmes. Les villages se succèdent, chacun avec son histoire, ses maisons de pierre et ses habitants discrets. Je me sens terriblement privilégié de parcourir ces terres, de m’immerger dans leur essence.
 
J'en profite aussi pour repérer de nouveaux lieux de pêche, notamment un dans Le-Dadou que je vais sans doute tester le 9/3 prochain, date de l'ouverture de la pêche à la truite.

Le lendemain, je pars pour la journée cette fois. Cette balade me conduit vers les contreforts des Cévennes et sur les pentes du Caroux dans l'Hérault. Le froid mordant de février ne m’effraie pas. Le trajet suivi est le tracé de couleur bleue sur la carte des itinéraires. 

A 9h00, la température affichée sur le tableau de bord est de 2 petits degrés Celsius. Le soleil, encore timide, est pourtant annoncé. Je passe Vabre, hameau niché au creux des montagnes du Sidobre. Les maisons de pierre paraissent figées dans le temps. Je m'arrête devant l'église. Les cloches silencieuses semblent attendre un miracle. Juste à côté, je me dégourdis les jambes et approche du porche faisant la jonction entre la rue principale et la ruelle de l'horloge. Chaque fois que je passe ici, je trouve l'endroit mystérieux... 

Eglise Sainte-Anne de Vabre

Trou de l'horloge

La ruelle de l'horloge 

« Lo Trauc de la Camapana » (en occitan) et en français « Le Trou de l'Horloge » est un Beffroi du XIIIe siècle. Cette tour était l'ancienne porte de la ville. Elle est le seul vestige de l'enceinte médiévale de Vabre. 

Camalières, Gijounet, Lacaune : ces noms résonnent comme des énigmes. Les routes sinueuses me guident à travers des forêts de sapins, de hêtres et les champs vierges en cet instant glacé et brumeux. Après Lacaune, c'est Moulin-Mage puis le village de Barre qui me fait entrer en Aveyron. 

Paysage aveyronnais près de Barre

A Barre, je m’arrête contempler le paysage. La vallée s’étend à perte de vue, ses collines douces et ensoleillées contrastent avec les sommets plus découpés dans une ambiance plus froide des Monts-de-Lacaune. Quelques kilomètres plus loin, je quitte les 1000 mètres d'altitude pour descendre vers Brusque.  Je m'enfonce, doucement, dans le nuage. 


Brusque

Brusque est un petit village niché au creux des montagnes aveyronnaises, là où le temps s’étire comme un chat au soleil. Bon, aujourd'hui, les chats sont restés à l'intérieur... Comme à chaque passage ici, je reste ébahi par l'entrée du village en venant de la D119. La route longe, au plus près, le ruisseau de Sanctus. Les maisons sont justes de l'autre côté, accessible par des passerelles fermées par des portails parfois gigantesque et parfois juste portillons. 

Brusque me fait toujours l'effet d'être un secret bien gardé. Ses ruelles étroites, pavées de galets usés par les pas des ancêtres, murmurent des histoires oubliées. Le Dourdou de Camarès, cette rivière pouvant être capricieuse, serpente entre les collines, caressant les berges de ses eaux cristallines. Elle a vu passer des générations de pêcheurs, leurs lignes tendues comme des toiles d’araignée, espérant attraper la truite farouche qui se joue d’eux depuis des siècles. Les mineurs, eux, ont creusé les flancs de la montagne, cherchant l’or rouge du cuivre. Leurs mains calleuses ont forgé l’âme de Brusque, et leurs chants résonnent encore dans les galeries abandonnées. Ils étaient les gardiens du feu, les alchimistes des profondeurs, et leurs veines coulaient du métal qu’ils extrayaient. Les drapiers, quant à eux, tissaient des étoffes aux couleurs de l’arc-en-ciel. Leurs métiers à tisser cliquetaient comme des cigales en été, et les étoffes qu’ils créaient étaient plus douces que les caresses d’une brise légère. Les femmes du village portaient leurs créations avec fierté, et les marchands les emportaient jusqu’aux lointaines foires de Toulouse. Toutes ces activités humaines semblent perdues dans le temps présent.

Le Merdelou, ce sommet altier, perdu dans la brume de ce début février, veille sur Brusque comme un vieux sage. Ses flancs abrupts cachent des grottes secrètes, des abris pour les ermites et les rêveurs. Là-haut, le vent souffle plus fort, et les étoiles sont à portée de main. Certains disent que le Merdelou est le gardien des âmes perdues, qu’il les guide vers la lumière ou les laisse errer dans l’obscurité éternelle.



De là, je descends la D52 et remonte par la D163 afin d'entrer dans le département de l'Hérault près de Serviès. Tout cela me conduit par des petites routes merveilleuses aux portes du joli village circulaire d'Avène. Ce petit village se blottit dans la vallée de l’Orb, au cœur du Parc naturel régional du Haut-Languedoc. Les maisons de pierre se serrent les unes contre les autres, comme des amis qui se racontent des histoires au coin du feu. Leurs volets, patinés par le temps, cachent des secrets d’amour et de tristesse. Les ruelles étroites murmurent des légendes oubliées, des amours interdites, des batailles perdues.

Avène, c’est d’abord une eau. Une eau qui jaillit depuis plus de trois siècles des Bains d’Avène, comme un trésor caché dans les entrailles de la terre. Et oui!! Les célèbres produits, cosmétiques et autres crèmes hydratantes de la marque « Avène » c'est ici. Les anciens disent que cette eau a des pouvoirs magiques, qu’elle guérit les peaux malades, apaise les âmes tourmentées. Elle est le fil d’Ariane qui relie les générations, des guérisseurs aux amoureux égarés. 

Les montagnes veillent. Le lac d’Avène, créé en 1962 par le barrage des monts d’Orb, scintille comme un joyau au creux des collines. Ses eaux calmes reflètent les nuages, les arbres, les rêves des pêcheurs solitaires. 


Le centre thermal d'Avène les Bains

Les habitants d’Avène doivent être des gardiens du silence. Ils doivent connaitre les saisons comme on connaît les notes d’une vieille chanson. Ils doivent tisser des liens invisibles avec la terre, les arbres, les étoiles. Leurs mains, sans aucun doute, sont rugueuses comme l’écorce des chênes, et leurs yeux brillent d’une sagesse ancestrale. Enfin, dois-je l'espérer! Car aujourd'hui, le village semble sans âme qui vive... 

A l’horizon, les montagnes héraultaises s’étirent à perte de vue, comme des géants endormis. Le vent murmure des poèmes anciens, et les nuages dansent au-dessus des cimes car un soleil radieux est revenu. Une fois les thermes passés, je bifurque sur la gauche et monte une route étroite, sinueuse et fort agréable à moto. Je monte vers Fonbine et le col éponyme avant de passer par le « col de l'homme mort ». 


C'est après ce col, au nom funeste, que je bifurque vers le monastère orthodoxe de Saint-Nicolas. Ai-je fait un saut temporel ? ou une téléportation involontaire ? Pourvu qu'il n'y ait pas une mouche avec moi... Non! Bien que d'origine grec orthodoxe, ce monastère est bien sur mon itinéraire du jour, en France, et dans cette introduction aux Cévennes. 

J'entre à La-Dalmerie, un hameau niché dans le nord du département de l’Hérault, non loin des sources de l’Orb. Il abrite ce monastère depuis 1965. En fait, le monastère a vu le jour en 1962 à Montbrison, dans la Drôme. Son but était de permettre aux Français orthodoxes d'accomplir leur vocation monastique dans un cadre culturel et liturgique qui leur soit proche. Cette première fondation n'a pu être pérennisée, alors les moines ont trouvé refuge dans ce hameau de La-Dalmerie de manière définitive le 21 novembre 1965. 

En 1990, ils ont pu construire une église qui est devenue l'église abbatiale katholikon. Elle reflète la tradition byzantine tout en s'inspirant de l'art roman occidental. Les moines vivent du travail de leurs mains tout en élevant un troupeau de chèvres dont le lait est transformé en fromage appelé : Le Saint-Nicolas. 



Et justement, j'approche de l'heure du déjeuner. Je trouve une route barrée au niveau du croisement de la D138 et la D138E2... Mince! Si je dois faire un détour, cela va me rallonger beaucoup. Fort heureusement, un chasseur en train de ranger son matériel m'indique que je peux passer. 

La route est défoncée et un peu avant Joncels, il y a de lourds travaux. Cela est dû aux crues récentes dans la région, mais ça passe pour aller au village et récupérer la route de Lamalou-les-Bains. 

De là, je rejoins Lunas où je trouve un restaurant ouvert, le bouchon de l'Orb (voir les coins du Babaz). Il est 12h30. 


L’après-midi, je reprends la route vers Lamalou-les-Bains. Les thermes, autrefois fréquentés par les curistes en quête de guérison, semblent maintenant endormis. C'est à peu près là que j'entre dans le célèbre massif du Caroux. Son cousin, le massif de l'Espinouse n'est pas bien loin non plus. 

Ce massif du Caroux fait donc bien partie des montagnes françaises du Massif central. Il est profondément entaillé par les célèbres gorges d’Héric et s’élève à plus de 1100 mètres d’altitude. Ce massif majestueux est un véritable paradis pour les randonneurs, les grimpeurs, les chasseurs et les amoureux de la faune. Il abrite notamment une population de plus de deux mille mouflons et est, également, le territoire de l’aigle royal. Le Caroux offre une vue panoramique sur la Méditerranée et constitue un site classé au cœur du Parc naturel régional du Haut-Languedoc. En somme, le massif du Caroux est une montagne de lumière, un balcon sur la Méditerranée, où la nature règne en maître. Je passerai à ce sommet lors d'une prochaine virée...

Olargues, Saint-Pons-de-Thomières, Angles,  les villages, les forêts diverses, se succèdent. Je retrouve le Sidobre et sa fraîcheur. La température passe de 22 degrés, lorsque j'étais encore sous le soleil de l'Hérault, à 13 degrés Celsius. 



C'est la fin de cette exploration des chemins quelque peu oubliés. Le Tarn, l'Aveyron, l'Herault, ces  compagnons silencieux, m'ont guidé toute cette journée.  C’est là, entre combes et puechs, que l’âme trouve sa liberté, que le cœur s’ouvre à l’infini.

Encore un jour, puis je rentre à Toulouse par une route directe. La brume est revenue et m'accompagne tout au long du trajet passant par Lavaur et les virages de la départementale 112 conduisant à Verfeil. C'est le tracé de couleur violette sur la carte des itinéraires. 
 

Sources et crédits de cet article :

Notre Dame de l'Auder à Ambialet: Le prieuré
Le Trou de l'Horloge à Vabre sur le site de la commune de Vabre
L'histoire de l'eau d'Avène par les laboratoires Avène-eau-thermale
Office du tourisme du Haut Languedoc : Le massif du Caroux

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