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Paysages du Badajoz en Estrémadure |
En ces temps où le tourisme de masse est un problème indéniable, peut-être vais-je y échapper... Et ne pas y contribuer. Ce voyage à moto, en solitaire, dure deux semaines. Ce premier article en relate les quatre premiers jours et les étapes pour atteindre cette belle province d'« Extremadura ».
Itinéraire suivi :
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je me dois de présenter l'Estrémadure et ses promesses. Cette province, située à la frontière du Portugal, est l’une des 17 communautés autonomes d’Espagne. Cette région, souvent traversée rapidement par les voyageurs en route vers l’Andalousie ou le Portugal voisin, recèle pourtant de nombreux trésors à découvrir. Deux régions la composent, au nord le Caceres et le Badajoz au sud.
Plan de situation :
Son histoire, riche et fascinante, fut marquée par des civilisations anciennes et des événements clés. En effet, à la préhistoire et à l'Antiquité, les Tartessiens, les Celtes et les Lusitaniens peuplent la région avant l'arrivée des carthaginois. Les Romains fondent de nombreuses villes dont Emerita Augusta, aujourd'hui Mérida. Elle fut la capitale de la province romaine de Lusitanie. Le théâtre romain de la ville en est, aujourd'hui, un témoin de cette époque.
Au Moyen-Age, pendant la Reconquista (à ne pas confondre avec la remontada... souvent évoquée dans les milieux autorisés), la province est une région frontalière du christianisme. Elle est marquée à l'extrémité par le fleuve Douro (où Duero en espagnol). Son nom provient, d'ailleurs, de cette proximité : Extremadura. Les royaumes chrétiens du nord, notamment Castille et Leon annexent l'Estrémadure, qui devient un territoire stratégique. A la fin du Moyen-Age, les habitants de la province cherchent de nouvelles terres pour subvenir à leurs besoins. C'est là, qu'ils émigrent, en masse, vers les Amériques. Ils ont grandement contribué (Est-ce un si bon souvenir? Pas sûr... Cela dépend de quel point de vue, on se place, sans doute) à la conquête Espagnole de l'Amérique du Sud et de l'Amérique Centrale.
Aujourd’hui, l’Estrémadure est un lieu où se mêlent histoire, nature et traditions uniques, d'après les informations que je glane, ici et là (voir les sources et crédits en bas de page). Elle mérite d’être explorée pour sa beauté et son authenticité. L'Estrémadure, région majoritairement rurale réputée pour ses étés secs, son « aridoculture » (qui, comme ce nom l'indique, désigne l'ensemble des techniques qui permettent la culture non irriguée en sol aride) et son merveilleux « pata negra » issues des « ibères cochons ».
Tout cela étant posé et, comme je l'ai déjà écrit plus haut, ce voyage se fait en solitaire. Toutefois, comme pour chaque voyage, mon petit Léon est là. Léon ? Mais si!! Je l'ai présenté pour la première fois en 2016, dans cet article de mon blog relatant mon voyage à moto vers l'Est. Pour chaque voyage, j'ai aussi un autre compagnon. Le genre de compagnon qui nourrit ma soif de mots, ouvre mon esprit et me remplit le cœur.
Pour cette fois, j'hésite entre ces deux livres, « Veiller sur elle » de Jean-Baptiste Andrea, le dernier prix Goncourt ou le tome 1 de la trilogie d'Eric Marchal, « Le soleil suivant - Les filles de chœur ». La fougue romanesque en Italie au temps moderne ou bien une plongée dans le Venise de 1713 dans le monde de la chirurgie ? Qui va m'accompagner durant ce voyage ? J'aime imaginer cette sorte d'ubiquité avec mon corps en Espagne, mon cerveau en Italie, le temps de la lecture et mon cœur restant en France auprès de ma chérie, qui ne voyage pas à moto.
Et voilà! La moto est chargée. J'y suis. Samedi 18 mai 2024, 7h30, jour du départ pour ce voyage découverte de la province d'Estrémadure en Espagne. Cette première étape, longue de 448 kilomètres d’après le GPS, me conduit jusqu'à Logroño, la capitale de la Rioja. Bien que souvent passé par cette ville, lors de mes séjours espagnols précédents, je n'y ai jamais fait étape. Ce soir, cet oubli sera réparé. Le trajet étant d'une longueur assez conséquente, par rapport à mes habitudes d'étapes, je préfère utiliser des voies un peu plus rapides qu'à l'accoutumée.
La météo, plutôt maussade depuis le départ, s’améliore à mon passage dans le Gers. Une chose m’étonne à mon arrivée dans les environs de Masseube. La route est couverte d’herbe, comme si quelqu’un avait passé la tondeuse. Or, ce n’est pas le cas, les bas-côtés ne sont pas fauchés. Un peu plus loin, c’est pire. Cette fois, j’ai l’impression que les arbres ont perdus leurs feuilles… Un tapis de feuilles recouvre la chaussée. C’est même assez casse-gueule! Mais que s’est-il donc passé ici ? L’avantage en roulant, comme je le fais pendant un moment, c’est que je peux passer un tas d'hypothèses au crible dans mon cerveau. Soudain, c’est la révélation. Les abords de la route sont jonchés d’un truc qui ressemble à de la neige... Non, c'est de la glace… Mais bien sûr! Il a grêlé, très fort même! Sans doute hier soir.
Je continue mon cheminement, tranquille. Cela fait un an que je ne suis pas parti à moto plus de trois jours. Autant dire que je suis en condition pour être au diapason de ce voyage, dès les premières secondes. Des frissons de plaisir parcourent mon échine au fil des virages et des paysages qui défilent. Vu que j’ai huit heures de route devant moi, j’ai le temps d’être en état second… La route étant redevenue normale et sans risques, mon esprit repart faire un tour. Au fil de ces diverses réflexions et déambulations hypnotiques, me voilà dans le Pays Basque. Ici, le tracé réalisé est bien plus dans mes cordes: petites routes étroites, nombreux virages, etc... Me voilà à Mauléon, où je ferai une longue étape au retour. Puis je passe le col d’Osquich, et rejoins une toute petite route me conduisant, comme par inadvertance, sur les belles hauteurs de Saint-Jean-le-vieux...
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En haut: col d’Osquich - En bas: arrivée à Saint-Jean-le-vieux par la D120 |
De Saint-Jean-Pied-de-Port, je passe en Espagne par Arnéguy avant de rejoindre le col de Roncevaux. Au fil de la route, j’arrive à Pampelune et au magique mirador d’Etxauri. Ce belvédère offre des vues spectaculaires sur toute la zone médiane de Navarre, en particulier sur le bassin de Pampelune. Il permet de percevoir la silhouette des montagnes pyrénéennes par temps clair. Ce mirador comporte un pupitre avec la silhouette et le nom des principales caractéristiques géographiques.
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Le bassin de Pampelune |
La pluie me rattrape vers 15h00. Il reste une quarantaine de kilomètres à faire. Je les fais sur une « autovia » récupèrée juste après Estrella-Lizzara. Je connais cette ville pour y avoir fait étape, lors de mon premier voyage à moto qui m'emmenait au Portugal (voir ici). J'arrive, un peu fatigué, à Logroño vers 16h00.
Située sur les rives majestueuses de l’Èbre, Logroño se dresse comme un témoin silencieux des âges révolus. Cette cité espagnole porte en elle les marques d’une histoire riche et complexe. Les vestiges romains de Vareia subsistent encore dans les ruelles pavées de Logroño. Selon les légendes anciennes, Tubal, fils de Japhet et petit-fils de Noé, aurait foulé ces terres après avoir traversé la Méditerranée. Vareia, mentionnée par les géographes romains, était une étape cruciale le long de la voie reliant l’Italie à la Galice. Au Moyen Âge, en 905, la ville fondée par Sancho Abarca, roi de Navarre, avait pour mission de sécuriser le passage de l’Èbre et de faciliter l’accès aux terres reconquises aux musulmans après la Bataille de Clavijo. En 1095, le roi de Castille, Alphonse VI, octroie à Logroño un fuero (charte) garantissant la libre circulation par le pont, contribuant ainsi à son essor économique. Puis, à l'époque moderne, en 1521, lors du soulèvement des villes de Castille mené par les comuneros, la population de Logroño fait face aux troupes du roi Henri II de Navarre. Aujourd’hui, Logroño semble une cité dynamique, où se mêlent tradition et modernité. Les vignobles renommés de la Rioja en font sa capitale.
J'ai quelques heures devant moi pour me dégourdir les jambes, découvrir la ville et déguster ce vin espagnol de « La Rioja », sans doute le plus connu en France. Au fil de ma promenade réalisée tel un bateau ivre allant de droite à gauche, j’arrive au Paseo del Espolón, également appelé Paseo del Príncipe de Vergara. D’après mes lectures, c’est la place la plus emblématique de Logroño. Elle est bordée de platanes taillés ainsi que de compositions florales. Elle abrite une grande statue dédiée au général Espartero. Ce lieu, apparu au XIXe siècle, est situé entre le centre historique et le quartier moderne de la ville.
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Le Paseo del Espolón - La statue du général Espareto - et un aperçu de la cocathédrale santa-Maria-de-la-Redonda se dévoile au détour d’une ruelle |
En continuant, j’arrive devant la cathédrale. Ici, il faut parler d’une « cocathédrale ». Il s’agit de la cocathédrale Santa-María-de-La-Redonda. La construction de cet édifice débute en 1516. Il se réalise par étapes durant trois siècles. Elle comprend trois nefs, un déambulatoire, un chœur et deux tours jumelles. Son apparence extérieure est similaire à celle de l'arène Illumbe à Saint-Sébastien. La cocathédrale fut déclarée co-cathédrale en 1959, au même rang que les cathédrales historiques de Calahorra et de Santo Domingo de La Calzada. Mais, à propos... C’est quoi une « cocathédrale » ?
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La cocathédrale Santa-Maria-de-la-redonda et le pont de pierre sur l’Ebre |
Une église cocathédrale ou, par substantivation, une cocathédrale est, dans l'Église catholique, une église à laquelle le Saint-Siège a concédé (ou reconnu) le rang de cathédrale, et au sein de laquelle se trouve, en conséquence, une cathèdre, siège de l'évêque diocésain, alors qu'elle n'est pas (ou plus) le siège d'un diocèse.
Je traverse le « pont de fer » et reviens dans le centre par le « pont de pierre ». De là, j’accède au Palais du Marquis de Monesterio, actuellement siège de la Sécurité Sociale à Logroño. Ce bâtiment est un exemple extraordinaire d'architecture civile de la Renaissance. Construit au XVIe siècle, il a été restauré récemment et abrite des chambres organisées autour d'un patio avec un puits. Sa façade donne sur la Calle Herrerías et offre une vue sur la tour et les vitraux de l'église de Santa-María-de-Palacio. En continuant, j’arrive encore sur la rue très fréquentée de Logrono, Calle Portales. Elle me donne un accès à une autre facette de la cocathédrale.
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en haut: Palais du Marquis de Monesterio - En bas: Calle Portales (la rue des bars à tapas) |
J'ai, bien sûr, profité de cette balade pour aller voir les quelques restaurants repérés précédemment à l'hôtel. Je dîne espagnol à la Quisquillosa (voir Les Coins du Babaz). C'est, malheureusement, sans grande surprise. J'y suis à 21h00, le premier. C'est complet à 21h15. Malgré tous les efforts faits sur la décoration, le personnel et la cuisine, ce lieu est sans âmes. Il est juste efficace.
Je suis mitigé sur cette ville. Elle me paraît agréable, les gens également, mais elle semble avoir deux visages... L'un pour les touristes, l'autre pour les locaux...
Le lendemain, 19 mai, cette deuxième étape me rapproche de l'Estrémadure. Je contourne la belle Ségovie (voir cette étape de Segovie à Ormaiztegi, lors de mon voyage à Tolède en 2018) que je connais bien, et j'opte pour une étape et la découverte de la ville d'Ávila ce soir et le jour suivant, qui sera un jour de repos, sans moto. En effet, cette étape de 380 kilomètres, me rapproche de l'Estrémadure, mais ne me permet pas encore de l'atteindre.
Je mets en route à 8h30. Il ne pleut pas encore et la température est de 14 degrés Celsius. Je prends la direction de Soria. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre aujourd'hui. J'ai préparé ce tracé il y a quelques mois déjà, et je ne me souviens plus de quoi il retourne. Je rejoins la LR250 qui traverse la vallée de Léza. C'est la belle surprise. Quelle route superbe! Je suis au milieu de montagnes, rivières et autres canyons. Cette route circule à une altitude moyenne de 700 ou 800 mètres.
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Vallée du rio Leza au mirador du canyon del rio Leza |
Cette route est aussi la route des dinosaures de la Rioja, la Ruta del Leza Jubera. En effet, il y a plus de 120 millions d'années, les « dino » étaient les rois du territoire que je traverse aujourd'hui. Ce parcours est jalonné d'ichnites et d'empreintes fossiles parmi 110 sites et 20 communes recensées. Aujourd'hui c'est aussi une route défoncée, sur laquelle on trouve de nombreux cailloux pouvant allant jusqu'au rocher tombé au milieu, sans prévenir... Il n'est pas rare aussi, de rencontrer des chevaux ou des vaches en liberté. Prudence donc!
En repartant du mirador du canyon del rio Leza, je tombe sur le magnifique village de Soto-en-Cameros.
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Le village de Soto-en-Cameros |
Je continue cette route, de plus en plus défoncée. Elle grimpe également, de plus en plus. Du coup, la température descend aussi de plus en plus. Arrivé au Puerto de Sancho-Leza, je suis à une altitude de 1390 mètres, d'après le panneau indicateur au sommet du col. L'altitude affichée, sur ma tablette GPS, indique 1397 mètres et le tableau de bord de la moto affiche sept petits degrés Celsius.
Je quitte la LR250 pour la N111 qui me conduit à Soria. La pluie forte commence peu après, lorsque je suis en direction et en approche de Segovie. Depuis Soria, je roule à une altitude moyenne de 1200 mètres. Sur ma gauche, j'aperçois les hauts sommets des montagnes à franchir pour rejoindre Madrid. Le ciel est gris et noir. Quelques éclairs fendent le ciel par moment. A un moment, je ressens un froid intense. Mon regard se porte sur le thermomètre de la moto. Il est passé de 12 à 3 degrés, en quelques secondes... Ca pue!! D'instinct, je ralentis.
Et en effet, à peine quelques dizaines de mètres plus loin, il y a un fort ralentissement malgré le peu de véhicules en présence. Le bitume est recouvert d'une neige abondante, sur une épaisseur de 10 à 15 centimètres. Fort heureusement, c'est une belle soupe bien trempée et diluée par la pluie, elle aussi abondante. La chose est étonnante. L'eau coule sur le bitume, comme un ruisseau, dans les sillons laissés par les roues des véhicules sur ce tapis de neige. Je mets les feux de détresse et roule, moi aussi, à très faible allure. Je place mes roues dans le sillon laissé par les roues du côté droit des voitures roulant dans le même sens que moi. Après cet intermède un peu flippant, je dois bien l'écrire, je trouve un abribus qui sera parfait pour déjeuner à l'abri de la pluie toujours intense. Ce sera porc au roquefort, cette fois.
Quand je repars, cette pluie n'en finit plus. Les nuages s’amoncellent dans le ciel, toujours aussi sombres et de plus en plus menaçants. Le vent s’intensifie, agitant les feuilles des arbres et faisant danser les herbes folles. L’atmosphère est électrique, chargée d’énergie... Dois-je écrire « diabolique » ? Soudain, des éclairs zèbrent l’horizon, illuminant la scène d’une lueur blanche, presque aveuglante. Le tonnerre gronde, résonnant dans les vallées et les collines. La pluie, un déluge furieux, se transforme en grêle par moment. La route alterne entre sol trempé, sol enneigé dans une soupe fluide et sol glacé en raison de la présence des grêlons abondants...
Les conditions, dantesques, de cette étape sont remarquables... C'est une première pour moi, depuis que je voyage avec ces engins motorisés. Finalement, je peux enfin dire que mes bottes Paraboot, achetées il y a quelques mois, sont totalement étanches (Voir cet article: Ben en v'la des vrais chaussons... bien acquis). Par ailleurs, je suis équipé de Dunlop Mutant sur les roues. J’ai trouvé ces pneumatiques chers, lorsque je les ai fait installer. Aujourd’hui, je ne regrette pas ce choix, la moto n’a pas bronché sur les divers revêtements subit dans cette étape.
A 16h00, je suis en vue d'Ávila, dont la célèbre muraille m'accueille par un bel arc-en-ciel. Est-ce de bon augure ?
Ávila, citadelle de pierre, gardienne des mémoires, je vous salue. Que vos murailles continuent de veiller sur les rêves des hommes, comme des étoiles immortelles. Ávila, telle une dame altière, s’élève à 1 182 mètres d’altitude, couronnée par les cieux. Elle se love sur une falaise, surplombant le rio Adaja, ce fleuve qui danse au pied de ses murailles.
Au XIe siècle, Ávila naquit des songes des rois et des rêves de chevaliers. Elle fut érigée pour repousser les Maures, pour protéger les terres espagnoles. Ses murs, témoins silencieux, ont vu les batailles et les prières. Sainte Thérèse, mystique et poétesse, y vit le jour. Et dans les ombres de ses ruelles, le Grand Inquisiteur Torquemada repose en paix (s'il y arrive, le bougre, après les horreurs qu'il a commises...). Les Vettons, ces anciens, la nommaient « Óbila », le mont sacré. Ávila était l’un des castros les plus importants de ce peuple.
La muraille, ce ruban de pierre, ceinte la vieille ville. C'est le bouclier d’Ávila, son âme. Ses tours, ses créneaux, ses portes, tout parle d’un temps révolu. Le Casco viejo, la vieille cité, dévoile ses secrets. Les rues pavées murmurent des légendes. La Plaza Mayor, cœur battant, vibre au rythme des siècles. L’UNESCO a inscrit Ávila dans son livre d’or. Sa vieille ville, avec ses églises extra-muros, est un trésor à préserver. Les pierres, les ombres, les prières, tout s’entrelace dans une danse éternelle, surtout à la tombée de la nuit comme à cet instant.
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Coucher de soleil sur Ávila |
Je verrai tout cela en détail, demain.
Lundi 20 mai, jour de Pentecôte, jour aussi de repos pour moi, dans ce voyage. Ce jour est consacré à la visite de la vieille ville et de ses alentours. Une randonnée urbaine de trois heures est au programme. Elle me conduit de l'intérieur de la cité médiévale aux abords du Rio Adaja où je pourrai prendre l'air.
Cette balade fait dix kilomètres exactement. Elle part de l'hôtel Las Murallas, où je réside. Le soleil, tel un peintre céleste, se montre encore timide devant les remparts d’Ávila. Ses rayons, entre flèches ardentes et absences totales, caressent les pierres centenaires, révélant leurs secrets enfouis. J’entame ma promenade, guidé par la promesse d’une aventure hors du temps.
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Plan des deux balades - la randonnée de 3 heures et la promenade du chemin de ronde |
Bon, si mon plan ne vous plaît pas, je peux toujours fournir le GPX de la randonnée…
En montant vers la vieille ville, la Basilique San Vicente, fière sentinelle du passé, se dresse devant moi. Ses murs romans, robustes et élégants, racontent des légendes de martyrs et de miracles. J’entre, humant l’encens et le mystère. Les vitraux colorés dansent avec la lumière, projetant des ombres sur les dalles usées. Je m’agenouille, écoutant le murmure des siècles, priant pour que ces murs gardent leurs secrets encore longtemps.
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dans le sens horaire : Basilique de San vincente - statue près de la porte - Puerta del Peso de la Harina |
Je continue cette randonnée en longeant la muraille par la porte Del Peso de la Harina. Cela me conduit à la plaza de Santa Teresa où je trouve les bouquinistes et au fond l'église de San Pedro. Cette place montre comment marié, judicieusement, la modernité et les pierres anciennes de la vieille porte de l'Alcazar. A l'intérieur de la cité, je passe par la Plaza Del Mercado Chico, le Convento de Santa Teresa et je reviens par la cathédrale.
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Dans le sens horaire : Plaza de Santa Teresa - Puerta del Alcazar vue depuis l'église de San Pedro - Plaza del Mercado Chico |
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Le convento de Santa Teresa |
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Dans le sens horaire : Puerta del Alcazar - Cathedrale de Avila - Vue des alentours depuis l'Arco del Rastro |
La cathédrale, majestueuse et imposante, se dresse d'un bloc. Ses flèches pointent vers le ciel, défiant le crépuscule. À l’intérieur, la fraîcheur des voûtes gothiques enveloppe les quelques fidèles. Je m’attarde devant l’autel, où la foi et l’art se mêlent en une harmonie céleste. Presque, j'entendrais les chants grégoriens qui suspendent le temps, et je me surprends à espérer que cette éternité douce perdure. Mais non, je dois continuer ma randonnée. Je reviens au plus près de la muraille. Une pluie fine m'oblige à sortir le parapluie.
Je crois bien que c'est la première fois que je randonne avec un parapluie... La vue sur la campagne alentour est superbe depuis l'Arco Del Rastro. Ici encore, la muraille m'appelle. Ses pierres rugueuses, patinées par les vents et les saisons, forment un bouclier contre l’oubli. Je gravis les marches, m’enfonçant dans le passé. Le panorama s’offre à moi : les toits d’ardoise, les jardins secrets, les clochers solitaires. Je m’arrête à la Porte de Santa Teresa, imaginant les chariots chargés de grains franchissant ce seuil. La muraille, témoin silencieux des siècles, me chuchote des histoires de guerriers et d’amoureux, de rires et de larmes. Je m’y perds, oubliant le monde moderne et cette pluie un brin pénible maintenant, bercé par le souffle du passé. J'arrive tout en bas, sur les rives de l'Adaja, Rio qui se devine à peine ici parmi la végétation luxuriante. Je traverse par le vieux Pont Romain.
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premier plan : Puente Romano (le pont piéton et cycliste) - Second plan : le pont routier |
Enfin, je rejoins Los Cuatro Postes, humble monument dressé à la croisée des chemins. Quatre colonnes doriques, altières et modestes, se dressent face à l’horizon et à la muraille. Elles semblent gardiennes d’un secret ancestral. Je m’assieds sur un banc de pierre, observant le soleil se mélangeant avec la pluie. Je me demande ce que ces poteaux ont vu, quels vœux ils ont entendus. Peut-être sont-ils les gardiens des âmes errantes, les témoins des promesses brisées. Je ferme les yeux, m’imprégnant de leur présence, et je sais que je suis à la croisée des mondes, entre l’histoire et le rêve. C'est à cet instant qu'une jeune femme me rappelle à la réalité crue de ce monde çi...
Elle veut se prendre en selfie avec le nom d'Avila, le Cuatro Postes et la muraille au loin... Mais elle n'y arrive pas... Elle n'a pas le bras assez long, semble t'il. Qu'à cela ne tienne, bien sûr que je suis un chevalier servant dans ce monde perdu. Tiens! Justement, le soleil se montre et la pluie s'arrête. Elle vire sa doudoune, dévoilant ses épaules frêle et, sans aucun doute, glacée par le froid (il ne doit pas faire plus de 10 degrés) et prend la pose, tout sourire... Je me demande bien où va finir cette photo qu'un Narcisse ne bouderait pas...
Cet intermède m'a donné envie de boire un café. Je rejoins le bar près de la station service, juste à côté.
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La vue à selfie d'Avila à côté du Cuatro Postes |
Après vingt minutes, je repars et descends vers les rives de l'Adaja. C'est parfois boueux, mais le chemin est la plupart du temps stabilisé. J'arrive à une passerelle en bois que je franchis avant de passer sous le pont de l'Autovista AV20. Le soleil, de retour, brille et me réchauffe, cela me fait du bien.
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La passerelle sur le Rio Adaja |
Arrivé au point extrême de cette randonnée, je franchis une sorte de pont barrage qui donne une jolie vision sur le pont ferroviaire de la ligne Ávila-Salamanque, en arrière-plan et à l'intérieur de l'une des arches du pont, le superbe bâtiment de l'université Catholique d'Ávila et encore et toujours la muraille.
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Point extrême de la balade : Le pont ferroviaire depuis le pont du barrage et la muraille en arrière plan |
Le chemin de mon retour, à la ville, est perturbé par une forte pluie qui se transforme en grêle. Ne trouvant aucun abri, je marche sous ce déluge, espérant que mon petit parapluie tienne le coup. Enfin, je trouve un abri, sous la forme d'une vieille grange redécorée à la sauce undergroud. Cela me permet de sécher un peu et de mettre ma veste, car le froid est saisissant. La pluie se calme et je peux repartir après quelques minutes.
Je déjeune vers 14h00 et rentre faire une sieste à l'hôtel. Ce soir, j'essaierai de faire le chemin de ronde sur la belle muraille... Seulement s'il ne pleut pas.
À 18:30, il fait froid, mais il ne pleut pas. Je m’acquitte des 8€ permettant l’accès. Les Murailles d'Ávila ou Murallas de Ávila forment une enceinte fortifiée. Bon, c’est un truc médiéval, donc. Au-delà de ce cliché, elles sont le symbole de cette ville et l'une des plus belles fortifications en Europe.
Ces remparts servaient, comme partout, à contrôler l'entrée de vivres et de marchandises, ainsi qu'à isoler la ville de la peste et autres épidémies possibles. Elles avaient aussi un rôle défensif, bien sûr. On ne connait pas précisément la chronologie de la construction de cette enceinte. En tout cas, je n’ai pas trouvé d’informations sur ce point. La tradition parle d'une durée de travaux de neuf ans, ce qui semble, toutefois, peu crédible au vu du petit nombre d'habitants et de la faiblesse de l'économie de cette époque. Un document royal de 1193 fait allusion à la construction de la forteresse et des tours. En 1596, Philippe II, entreprit des travaux de restauration.
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La Basilique San Vincente depuis le chemin de ronde. Elle a de la gueule depuis ici, non ? |
On suppose que la muraille est construite sur le tracé d'un campement militaire romain, avec lequel elle coïnciderait en forme et proportions. La muraille a aujourd'hui 2 516 mètres de périmètre, 2 500 créneaux, 88 grosses tours et 9 portes. Elle dessine un rectangle orienté est-ouest, ayant une superficie d'environ 33 hectares. La hauteur moyenne des murs est de 12 mètres et leur épaisseur moyenne est de trois mètres.
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Sens horaire : les paysages alentours depuis le chemin de ronde - la fin du chemin aménagé - le pont romain vue de haut |
Je parcours les 1,7 kilomètres : « ouvert à la circulation piétonne » et reviens sur mes pas pour sortir au milieu, afin de rejoindre le bar repèré ce matin. En effet, il me semblait parfait pour attendre de dîner et terminer cet article. Cette visite des murailles est clairement à faire pour avoir de nouvelles perspectives sur la ville, les monuments et ses alentours. Informé, je l’aurais fait dès le premier jour ici.
La soirée est douce et agréable. J'en profite pour échanger dans divers endroits et me rendre définitivement compte que les gens de Castille y Leon (comme ceux de Galice, d'Asturies et de Cantabrie d'ailleurs) sont plus agréables que ceux du Pays Basque et de la Rioja. Ávila est finalement une très belle étape, comme l'était Ségovie quand j'en avais apprécié la visite, il y a quelques années.
Le mardi 21 Mai, je reprends la route pour descendre encore un peu plus loin au sud. Il est 9h00. Les 30 premiers kilomètres sont assez monotones. Ensuite, la N502 se fait plus joueuse jusqu'à monter au 1352 mètres d'altitude du Puerto del Pico.
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Puerto del Pico |
Arrivé à Ramacastañas, je quitte la « Castille y Leon » pour « La Mancha ». L'altitude oscille entre 1400 et 1700 mètres durant la centaine de kilomètres qui suivent. Je passe de La Mancha à l'Estrémadure à Puerto-Del-Rey, toujours le long de la N-502. Il est 11h30. J'ai fait 1017 kilomètres depuis le départ de Toulouse pour toucher l'Estrémadure. Enfin! Je touche la province, d'abord par le Caceres puis très vite, le Badajoz pour arriver à Llerena, mon étape de ce soir.
Le paysage change. L'altitude moyenne est plutôt autour des 450 mètres. Les champs d'oliviers sont nombreux. Quelques étendues agricoles se profilent. Il y a aussi beaucoup de lacs, de très grandes surfaces et avec d'énormes barrages hydrauliques. Puis cela change pour devenir un plateau plutôt désertique. Le nord de l'Andalousie est maintenant tout proche. J'aperçois ses hauts sommets au loin.
A 16h00, j'arrive à Llerena, le point le plus au sud de ce voyage. La bourgade est d'importance, mais j'en parlerai un peu plus tard, une fois la visite effectuée. Etonnement, j'ai un hôtel très luxueux dans cette ville perdue... Peut-être pas perdue pour d'autres que moi, d'ailleurs. J'apprends aussi un nouveau terme désignant les hôtels espagnols: une « hospederia »... Celle-ci possède un mirador offrant une merveilleuse vue sur les alentours. D'autres équipements intéressants sont présents, comme un bar très fourni, un restaurant bien équipé, un spa et une piscine. Je ne parle même pas du garage où j'ai rangé la bécane et de la taille de la chambre.
Cette ville de Llerena possède une architecture lumineuse qui se veut semblable aux villages blancs andalous. Elle cache également un passé bien plus sombre, car elle fut autrefois l’un des quartiers généraux de la Sainte Inquisition. Cependant, il fut un temps où musulmans, juifs et chrétiens vivaient ensemble en paix et en harmonie. Cette union fonctionna si bien que la ville devint extrêmement riche et fut surnommée « la petite Athènes d’Estrémadure ». Llerena est donc située au sud-est de la ville de Badajoz (comme le nom du district), à proximité de l’Andalousie, et à seulement 8 km de la ville romaine de Regina.
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Llerena depuis le mirador de l'hospederia- Eglise de Nuestra Señora de la Granada sur la place d'Espagne |
Déjà importante au Moyen Âge, elle fut d’abord une ville maure, puis conquise par les chrétiens. Ces derniers firent venir de nombreux habitants du nord de l’Espagne pour peupler ses terres fertiles.
Parmi eux se trouvaient des familles juives, et avec les musulmans restants, la ville prospéra. Une école de traducteurs, similaire à celle de Tolède, fut fondée. Ces traducteurs s’occupaient des documents des Rois catholiques, parlant les langues des trois principales religions : musulmane, juive et chrétienne.
Des personnalités importantes arrivèrent également à Llerena, notamment les grands maîtres des ordres militaires, qui décidèrent de s’y installer. Ils firent appel à de grands artistes pour construire de somptueux palais et une église imposante. La loggia de l’église Notre-Dame de la Grenade rappelle Venise ou Padoue. De cette position privilégiée, ces personnalités assistaient aux procès menés par la Sainte Inquisition contre les sorcières et les Juifs.
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Llerena |
Quel bonheur de retrouver le soleil et une température digne d'un mois de mai. Je dois bien écrire que la météo subie, depuis le départ, me semble étrange. Je n'ai jamais connu cela en cette période. En cette fin d'après-midi, j'ai pu me balader en claquette et en short. Enfin!
Les jours à suivre, en remontant doucement vers le nord, devraient apporter les réponses à mes interrogations sur l'Estrémadure. Et je vais retrouver mes habitudes de « traces » ressemblant plus aux routes à chèvres, qu'aux routes nationales rectilignes.
Sources et crédits de cet article :
Site de l'Office de tourisme espagnol : L'Estrémadure, cœur battant de l'Espagne.
Sur le Blog de Maud et Xavier, Serial Pix : Escapade en Estrémadure, la belle oubliée espagnole.
L'Espagne fascinante : Logrono et la Rioja.
La Rioja premium : Que voir à Logrono ?
Site de la route des diosaures de La Rioja.
Site du circuit moto : les 3 vallées de La Rioja sur spain.info.
L'Espagne fascinante: La muraille d'Avila
Le site de la muraille d'Avila en français.
Tourisme à Llerena sur spain.info.

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