Quatre ans déjà que j’ai posé mes valises à Bouyrols, dans le Tarn. Quatre ans de randonnées à travers les sous-bois, de virées à moto sur les routes sinueuses, de pêche à la truite dans les eaux fraîches des rivières… À force d’explorer, j’ai l’impression d’avoir apprivoisé chaque chemin alentour. Pour ce premier long week-end estival de 2025, je pars avec la moto, seul.
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L'étang de Montady depuis l'Oppidum d'Ensérune dans l'Hérault, Le Peyro-Clabado et le lac du Merle dans le Sidobre |
J’élargis mon horizon, poussant mes balades vers le sud-est, à travers l’Hérault, et vers le nord, aux confins du Tarn, jusqu’à franchir la frontière de l’Aveyron. Entre ces escapades, une matinée paisible dédiée à la pêche, bercée par le chant de l’eau, avant de m’élancer sur les routes du Sidobre pour ma balade à moto de deux heures, celle qui se fait à l’abri de la chaleur sous l’ombre bienveillante des imposants rochers.
Itinéraires Suivis :
Pour cette première journée, cap sur quelques trésors touristiques de l’Hérault, avant que les flots de visiteurs ne s’en emparent. En quête de nouveaux lieux à explorer, je suis tombé sur la page de l’office de tourisme de l’Hérault—mentionnée dans les « Sources et Crédits »—et la vidéo qui y est présentée a fini de me convaincre. Bien que j’aie souvent parcouru le Biterrois, je n’avais encore jamais découvert l’Oppidum d’Ensérune et son panorama saisissant sur l’étang de Montady, le tunnel de Malpas, ni les majestueuses neuf écluses de Fonseranes. Mon itinéraire suit le tracé bleu sur la carte des circuits ci-dessus.
Avant de m’y rendre, une escale s’imposera au Domaine de Parra. J’y achèterai quelques bouteilles de ce vin rouge naturel que j’ai récemment dégusté et qui, à la fois, a séduit mes papilles et conquis mon épouse. Une belle occasion de profiter de cette virée à travers l’Aude, le Minervois et le Biterrois pour enrichir ma cave.
À 8h00, le voyage commence. L’air reste encore frais, à peine 19 degrés, et un léger voile flotte dans le ciel. Une douceur trompeuse, car la journée s’annonce ardente.
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La Montagne Noire à traverser pour passer du Tarn à l'Aude et à l'Hérault |
À 9h00, j’atteins le Roc de Suzadou. La table d’orientation qui s’y dresse marque un point de vue exceptionnel, perché à 720 mètres d’altitude. De là, le regard embrasse un panorama à 180° : les forêts profondes, les champs de foin doré, la plaine viticole du Minervois, les reliefs des Corbières, les Pyrénées au loin... Et par temps clair, la Méditerranée se dévoile à l’horizon. Mais aujourd’hui, le voile nuageux garde jalousement ce spectacle.
Depuis quelques minutes, je suis officiellement en terre héraultaise. Le thermomètre grimpe doucement, affichant 22 degrés sous un ciel toujours légèrement voilé. Une pause s’impose. J’arrête ma monture à l’auberge de Ferral-les-Montagnes pour un café. Un jour, c’est sûr, je reviendrai ici pour un déjeuner paisible.
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Panorama depuis la table d'orientation du Roc de Suzadou |
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Ferral-les-Montagnes |
En quittant Lavinière, je pénètre dans l’Aude. Azille n’est plus très loin—c’est là, au cœur du Minervois, que je fais mon premier arrêt pour acheter le vin que je convoite au Domaine de La Parra (voir « Sources et Crédits » pour plus d’informations).
Comment ai-je découvert ce nectar ? Grâce à ma voisine de Bouyrols, Jo, lors d’un apéro dînatoire. Elle-même avait rencontré Célian et Sonia et s’était laissée tenter par le Piperata, ce vin rouge sans sulfites, lors du marché de Noël à Castres.
Ces vins naturels—ou, selon la législation, ces « boissons aromatisées »—sont uniques et audacieux. La Cuvée Antique Piperata du Domaine La Parra à Azille puise son inspiration dans les recettes romaines antiques. Son nom évoque le poivre, cet ingrédient prisé dans la cuisine d’autrefois, qui confère à cette cuvée une touche épicée et affirmée. Issu du terroir généreux du Minervois, ce vin est conçu avec un soin méticuleux, sans sulfites ajoutés. Il incarne la philosophie du domaine : une vinification traditionnelle, fidèle aux méthodes ancestrales, pour un produit authentique, non standardisé, élaboré avec un profond respect du savoir-faire.
Avec ses arômes puissants et sa structure harmonieuse, la Cuvée Piperata est bien plus qu’un vin : c’est une invitation à un voyage sensoriel où passé et présent s’entrelacent.

Célian est motard, et ça se voit. Une bonne dizaine de vieilles bécanes en parfait état sommeillent dans les hangars du domaine, témoins de sa passion pour la mécanique et l’histoire de la route. Le carton trouve facilement sa place dans la valise droite. Je le cale soigneusement, prêt à repartir.
Direction l’Oppidum d’Ensérune. Trente minutes plus tard, j’y suis. Le site me semble immense, sa visite promet une randonnée de deux heures. Aujourd’hui, je me contente du chemin obligatoire depuis le parking jusqu’à l’entrée. Pas besoin d’aller plus loin : le panorama s’offre généreusement aux visiteurs avant même de franchir le seuil du site. Tant mieux, je n’ai pas le temps pour la randonnée.
Sur les hauteurs du Languedoc, l’Oppidum d’Ensérune veille, sentinelle immobile d’un passé lointain. Ses pierres, usées par le temps, murmurent encore les récits des peuples qui l’ont habité, des Gaulois aux Romains, bâtisseurs d’un monde en perpétuelle transformation. Ici, le vent s’engouffre dans les ruines, portant avec lui l’écho des voix disparues, le frémissement d’une histoire gravée dans la roche.
Et lorsque je me penche sur l’horizon, un spectacle saisissant s’offre à mes yeux. C'est « l’Étang de Montady », étrange soleil de terre, où les sillons convergent vers un point central, comme les rayons d’une étoile figée. Jadis marécage insalubre, il fut dompté par l’ingéniosité médiévale, transformé en un chef-d’œuvre d’hydro-agriculture. Aujourd’hui, il demeure un témoignage silencieux du génie humain, un tableau vivant où la nature et l’homme ont appris à coexister.
L’Oppidum et l’Étang, deux âmes d’un même paysage, un dialogue entre l’Antiquité et le Moyen Âge, entre la pierre et l’eau, entre l’histoire et l’éternité. Une invitation à la contemplation, à l’émerveillement, à la découverte d’un territoire où le passé façonne encore le présent.
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Panorama sur l'Etang de Montady depuis l'entrée de l'Oppidum d'Ensérunes |
Je retrouve ma moto et descends de quelques kilomètres pour rejoindre l’entrée du tunnel de Malpas, une prouesse d’ingénierie du canal du Midi. Construit entre 1679 et 1680, il est le tout premier tunnel-canal jamais réalisé, permettant aux péniches de traverser la colline d’Ensérune et de relier la vallée de l’Aude à celle de l’Orb.
Lorsque les travaux du canal atteignirent la colline, les ingénieurs furent confrontés à un sol fragile, sujet aux éboulements. Face à ces difficultés, le ministre Colbert ordonna l’arrêt du chantier. Mais Pierre-Paul Riquet, visionnaire audacieux et concepteur du canal, refusa de capituler. En moins de huit jours, un tunnel d’essai fut percé en toute discrétion, prouvant la faisabilité du projet. Quelques mois plus tard, au printemps 1680, le tunnel définitif était achevé—juste avant la disparition de Riquet.
Long de 173 mètres, large de 6 mètres et haut de 8,5 mètres, le tunnel repose sur 30 arches qui en assurent la stabilité. Son nom, « Malpas », qui signifie « mauvais passage », vient du col sous lequel il fut creusé. Mais ce lieu recèle bien plus qu’une seule prouesse : sous le tunnel de Malpas cohabitent deux autres galeries. L’une, datant du XIIIe siècle, fut creusée pour drainer l’étang de Montady. L’autre, un tunnel ferroviaire du XIXe siècle, permet le passage de la ligne Béziers-Narbonne.

Je poursuis ma route jusqu’aux neuf écluses de Fonseranes, aux portes de Béziers. Ce chef-d’œuvre d’ingénierie, construit en 1697, forme un escalier d’écluses permettant aux bateaux de franchir un dénivelé impressionnant de 21,50 mètres sur une longueur de 312 mètres. L’ensemble se compose de huit bassins et neuf portes, bien que seules six écluses soient encore en activité aujourd’hui. Les bassins arborent une forme ovoïde, caractéristique du canal du Midi, conçue pour mieux résister à la pression de l’eau. Chaque écluse est animée par un ingénieux système de vannes qui régule le passage des embarcations.
A l’origine, ces écluses permettaient de traverser l’Orb, mais avec la construction du pont-canal de Béziers en 1858, les deux dernières furent abandonnées. Plus tard, en 1988, une pente d’eau fut installée pour faciliter le passage des péniches hors gabarit, mais faute de budget, elle ne resta pas en service longtemps (voir « Sources et Crédits » en fin d’article pour plus d’infos).
Aujourd’hui, les écluses de Fonseranes sont un site touristique incontournable, attirant près de 320 000 visiteurs chaque année. En témoignent les vastes parkings payants mis en place pour accueillir les curieux. Aujourd'hui, pas grand monde et à ma grande surprise, je n’ai rien à payer en repartant. Est-ce parce que mon passage fut bref, ou pour une autre raison ? Mystère…
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Béziers |
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Les écluses de Fonseranes |
Il est 11h30 lorsque je reprends la route, atteignant le point le plus éloigné de ma boucle. Cap sur Cessenon-sur-Orb. Le soleil est désormais à son zénith, et la chaleur se fait bien sentir—30 degrés au thermomètre. Je me dis que je m’arrêterai au premier restaurant qui m’inspirera… Mais il me faudra attendre jusqu’à Olargues, vers 13h00, pour combler mes attentes. Là-bas m’attend le très réputé « Les Fleurs d’Olargues ».
Sur la terrasse, je profite d’une vue imprenable sur le vieux pont et le village. Une légère brise danse entre les tables, et l’ombre bienveillante des parasols crée des conditions parfaites pour savourer ce repas en toute sérénité. L’instant est sublimé par le talent du chef danois et de son équipe—chaque plat, chaque saveur, transformant cette halte gourmande en un moment d’exception.
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Vue depuis la terrase des Fleurs d'Olargues |
Je reprends la route vers 14h15, laissant derrière moi la chaleur écrasante du Sud. Le retour à la maison se fait sous le signe de la fraîcheur, à travers les Monts de Lacaune et le Sidobre. Le vent glisse agréablement, et la température, stabilisée à 25 degrés, offre un contraste saisissant avec la canicule qui s’installe ailleurs. Ici, entre les reliefs boisés et les rochers immenses, l’air reste léger, presque vivifiant—une parenthèse bienvenue avant de retrouver Bouyrols.
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Lac du Laouzas |
Le lendemain matin, la chaleur s’annonce de nouveau accablante. Pour démarrer la journée, je m’offre une partie de pêche—ma propre ouverture de la saison de la truite. Mon voyage au Maroc m’ayant éloigné des eaux fin mars, il est temps de rattraper ce rendez-vous manqué.
Je choisis l’Agout, une rivière classée en deuxième catégorie sur le tronçon où je me rends. J'y vais à moto bien sûr, puisque je n'ai pas ma voiture ici.

Cette matinée de pêche est une réussite : six prises, dont quatre à la taille. Je décide de ne garder qu’une seule truite, celle qui inaugurera ma saison, un premier plaisir gustatif de l’année.
L’après-midi, la chaleur s’installe, oppressante. Pour y échapper, je choisis de parcourir ma boucle du Sidobre, un itinéraire de deux heures qui traverse des lieux emblématiques. La particularité de ce tracé ? Il serpente à 80 % sous le couvert des bois, où la température reste clémente—25 degrés, tandis qu’ailleurs, le mercure dépasse largement les 30. Sur la carte, il s’affiche en violet.
Ces points d’intérêt jalonnent mon parcours comme des repères familiers. La croix de Bassaguel domine Burlats, suivie de la montée vers Lacrouzette, puis du Lac du Merle, havre de calme. Je traverse le hameau du Cros avant d’attaquer les rocs majestueux de Crémaussel, avec un passage obligé par le Peyro-Clabado. La route qui relie Lacrouzette à Vabre me mène ensuite vers le hameau du Thouys et son étroite voie serpentant jusqu’aux berges de l’Agout, au pied des trois viaducs. Enfin, cap sur Montredon-Labessonnié, avec une halte incontournable à la chapelle de Notre-Dame-de-Ruffis—un rendez-vous annuel, un pèlerinage partagé entre ma moto et moi.
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Le Lac du Merle |
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Le Peyro-Clabado |
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Notre-Dame-de-Ruffis |
Le troisième jour, je m'élance pour une boucle me menant aux confins du Tarn, avec quelques incursions en Aveyron. Ce parcours promet une belle exploration.
Il a plu presque toute la nuit. Les premières lueurs du jour s'affichent avec une fraîcheur saisissante. À mon départ, à 9h00, le thermomètre affiche à peine 19 degrés. Très vite, alors que je grimpe après Vabre en direction de la forêt de Montagnol, la brume s'invite dans le décor, enveloppant les reliefs d’un voile mystérieux.
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Forêt de Montagnol |
La brume se densifie par endroits, se muant peu à peu en une bruine persistante. Bientôt, elle prend des airs de véritable crachin breton, chargé d’humidité, qui s’infiltre partout. Je n’ai d’autre choix que d’enfiler ma veste de pluie et de fixer la mentonnière de mon casque.
A mon entrée dans l'Aveyron, au Rocher de la Vierge à Roquecezière, le rideau de bruine s’atténue, mais la température chute à 15 degrés. L’accalmie est de courte durée. Pluie et brouillard se rappellent vite à moi, enveloppant à nouveau le paysage d’un voile humide et bien plus pénible, maintenant que cela dure, que mystérieux...
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Les hauteurs Aveyronnaise |
A 11h30, j’atteins Albignac, à la frontière administrative entre le Tarn et l’Aveyron. Mon itinéraire initial me conduisait encore plus au nord, avec 150 kilomètres encore à parcourir… Dans ma valise, mon pique-nique m’attend, mais mon enthousiasme s’effrite sous l’assaut du froid, de la pluie et du brouillard.
Je décide alors d’écourter la balade et de rentrer directement à la maison. J’entre ma destination dans le GPS, optant pour l’itinéraire le plus rapide. L’estimation d’arrivée affiche 12h45, avec 60 kilomètres restants. C'est ce tracé écourté qui figure sur la carte des itinéraires suivis dans sa couleur verte.
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Ambialet sur la route du retour |
Je traverse Ambialet et arrive à 12h35, achevant ainsi cette étape de mon parcours. Cette balade, je la ferai dans son intégralité une prochaine fois, sans aucun doute.
Ce week-end touche à sa fin, et demain marque un tournant : je dis enfin adieu aux K60 Scout d'Heidenau, fidèles compagnons de route depuis 11 000 kilomètres. Leur longévité m’a été précieuse au Maroc, entre routes abîmées et pistes de cailloux et de terre, mais leur bourdonnement au-delà de 80 km/h est devenu insupportable. Le pneu arrière est à bout de souffle, tandis que l’avant pourrait encore tenir 2 à 3 000 kilomètres de plus.
Il est temps de passer aux Dunlop Mutant, des pneus que j’apprécie pour leur adhérence fiable en toutes circonstances et leur discrétion sonore. Un choix qui s’avérera bien utile pour ma prochaine virée en territoire haut-marnais.
Sources et crédits de cet article :
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